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Interview d’un roi camerounais : "L’unité nationale est une illusion au Cameroun… La tête du premier président est dans la brousse, loin de son pays"

Par Chef Aby | Africain.info | jeudi 21 mai 2020
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20 mai 2020, jour de fête nationale du Cameroun, la 48ème édition de l’unité nationale. Cette année, pas de célébration, à cause du COVID-19. Ainsi en a décidé le chef de l’état Paul Biya, qui s’est adressé à la nation mardi soir à la télévision nationale, après plusieurs mois sans apparition publique.
Pour évaluer le chemin parcouru, nous avons eu un entretien avec une forte personnalité traditionnelle du pays. Sa Majesté Jean Philipe Rameau SOKOUDJOU MPODA, Roi des Bamendjou, village de la région montagneuse à l’Ouest du pays. Sa parole compte. Du haut de son impressionnante taille de basketteur (qu’il n’a jamais rêvé) et de ses 120 kg, Fô Sokoudjou, 16ème roi de la dynastie régnante à la tête de la chefferie coutumière Bamedjou, fait un constat d’échec de l’unité nationale dans son pays. Né en 1938, il totalise déjà 67 ans de longévité sur le trône. Il a pourtant connu un début très tumultueux, avec des emprisonnements pendant les années de luttes d’indépendance. Fervent croyant, il a été reçu par le Pape Pie XII. Il analyse par des questionnements, le chemin parcouru depuis 1972. Lisez plutôt…

Majesté, la fête de l’unité nationale de votre pays le Cameroun, 20 Mai 2020, n’est pas célébrée à cause de la situation sanitaire du pays, vous le regrettez ?
FO SOKOUDJOU RAMEAU JEAN : Cela fait 48 ans. Dans toute vie normale, il est toujours important à un moment de marquer un temps d’arrêt, de regarder le chemin parcouru, de l’évaluer puis de se projeter dans l’avenir. Faute pour nous de le faire, comme rien ne nous dépasse, le CORONAVIRUS s’est invité afin de nous imposer cet arrêt, un temps de réflexion qui peut nous éviter si nous sommes sincères de nous retrouver au fond du creux. Ayons le courage de nous regarder dans les yeux, de poser les vrais problèmes qui minent ce pays pour l’intérêt de tous et non de quelques individus qui se sont retrouvés au sommet de l’arbre et ont tirés l’échelle vers le haut pour éviter qu’une autre personne ne monte aussi, et on parle de l’unité nationale. Il est important ce 20 mai, que nous revisitons notre vivre ensemble au lieu de continuer à nous tromper à travers des grosses parades qui donnent l’illusion que la marmite est entrain de bien bouillir à la bouche alors qu’en réalité le fond brûle !!!

Sa Majesté Sokoudjou Jean Rameau

Quel bilan pourriez-vous faire aujourd’hui alors de cette unité de votre pays ?
FO SOKOUDJOU RAMEAU JEAN : De quelle unité parlons-nous lorsque nos frères des régions anglophones, qui avaient librement choisi de nous rejoindre, ont à tort ou à raison, pris des armes contre le pays ? Certains sont désormais dans les brousses, les cadavres ne se comptent plus, d’autres sont du côté du Nigeria, errant dans la nature comme des orphelins ?
De quelle unité parlons-nous lorsque chacun pense dans sa tête que l’histoire de ce pays ne commence que sur lui et qu’avant lui rien n’a existé ? Si le devant part en fuyant, rassurez-vous, même le derrière partira en fuyant. Pouvons-nous être vraiment unis lorsque la tête du premier président est dans la brousse quelque part loin de son Cameroun natal ? Jusqu’à quand allons nous continuer à couvrir nos plaies avec de la poussière ? Nous parlons de quelle unité nationale lorsqu’en 2020, on manque de couveuses dans nos hôpitaux de référence, alors que ceux-là qui nous gouvernent vont en weekend avec un convoi de 20 voitures au frais de l’Etat ? Dieu avait vendu ce pays à ceux-là ?
Quand les recrutements dans les grandes écoles se font sur des bases tribales, claniques et des recommandations, c’est toujours l’unité nationale ? On trompe qui finalement ? De quoi parlons-nous quand un ministre ne se lève de sa chaise que pour faire asseoir son fils ? C’est pour que les enfants des autres vont où ? Ils sont venus vous accompagner ? Vous mangez et vous vous essuyez les mains sur la tête du peuple, c’est ça votre façon de célébrer l’unité nationale !!

Majesté, n’est ce pas un constat électif que vous faites ? Il y a beaucoup de progrès dans d’autres domaine de la société et parties du pays !
FO SOKOUDJOU RAMEAU JEAN : Non c’est partout et dans tous les secteurs. Le vivre ensemble c’est quand des populations dans la région du Sud peuvent passer des semaines sans énergie électrique, alors que ce pays est inondé et traversé des cours d’eau de part et d’autre. L’unité nationale pour vous c’est vider la région de l’Est de son bois, sans songer à lui donner une petite route, un centre de santé, une salle de classe ? Votre part d’unité nationale c’est quand loin là-bas à l’Extrême-Nord du Cameroun, les populations parcourent des dizaines de kilomètres de distance, à pieds, à la recherche d’un point d’eau, qu’elles se disputent avec des animaux, alors que dans vos maisons, vous-vous lavez avec de l’eau minérale ? Ce peuple a même fait quoi pour mériter une telle misère ?
L’unité nationale selon vous c’est détruire les fondements même de notre société traditionnelle et ancestrale, c’est détruire les chefferies traditionnelles en mettant à leur tête ceux qui chantent votre chanson, imposer les sectes, avec des pratiques contre nature, comme mode de gouvernance dans le pays ? Les conséquences ne peuvent être que fâcheuses face à la colère des ancêtres.

Sa Majesté Fô Jean Rameau Sokoudjou lors d’une fête dans son royaume

Oui, mais en dehors de deux ou trois régions du pays, on observe que le reste du pays est en paix et en sécurité depuis pas mal d’années ?
FO SOKOUDJOU RAMEAU JEAN : Détrompez-vous cher monsieur. C’est la paix des cimetières. Ne nous éloignons pas de toutes ces mauvaises pratiques sur le parcours de l’unité nationale et l’intégration dans ce pays. Lorsqu’on pousse les fidèles de l’église à se dresser contre la hiérarchie pour la simple raison que l’évêque nommé n’est pas du village, on appelle ça unité nationale ? Même dans la maison de Dieu ? Où allons-nous ? On a tapé jusqu’à percer le tamtam. Nous parlons de quelle unité nationale quand des enfants sortis des écoles, deviennent des charges pour leurs familles, parce que tous les postes c’est pour vous et vos familles ?

Majesté, lorsque vous dites VOUS, c’est désigner qui ?
FO SOKOUDJOU RAMEAU JEAN : Bien évidemment, ce sont ceux qui nous gouvernent, les privilégiés, les décideurs de mon pays. Faut-il avoir quatre yeux pour constater que l’unité nationale dans ce pays, est fortement menacée par la mal gouvernance, le tribalisme, le favoritisme, l’égoïsme, l’orgueil et la méchanceté des uns et des autres ? Que de voir certaines choses avec ses yeux, mieux tu deviens aveugle ! Le dire ainsi, c’est être contre vous et le pays ? C’est être un opposant au régime ? C’est être rebelle ? Que non ! C’est ma façon à moi de pleurer ce pays, qui se meurt et pour lequel beaucoup comme moi ont sacrifié une bonne partie de leur vie. C’est la douleur qui me torture en voyant ce peuple mourir de misère, sous le regard parfois moqueur et médusé de ceux qui nous gouvernent alors que la nature a tout donné au Cameroun. Comment peut-on être à l’œil de l’eau et mourir de soif ?

C’est bien de relever tout cela, vous êtes pourtant un homme influent bien écouté, très proche de votre peuple et des autorités, que faites-vous pour aider à sortir votre pays de toutes ces difformités ?
FO SOKOUDJOU RAMEAU JEAN : Ecoutez Monsieur le journaliste, mon peuple m’écoute, mais les autorités, je ne suis pas certain. Pleurer comme je le fais c’est interpeller les dieux de nos ancêtres afin qu’ils touchent leur cœurs et qu’ils comprennent que ce pays nous appartient à nous tous. Que ce n’est pas le champ d’ignames de quelques uns parmi eux. Sommes nous seulement unis lorsqu’il faut retrousser les manches ou le sommes-nous aussi quand il faut manger ?
Je pleure pour mon pays et je n’aurais pas souhaité voir ce que je vois avec mes yeux, mais tenez-vous tranquille, ce n’est pas une chance pour des dirigeants, comme vous, de voir un peuple pleurer et d’être insensible à sa misère.

Et maintenant qu’espérez-vous ?
FO SOKOUDJOU RAMEAU JEAN : Pour les gouvernants et tout le peuple camerounais, je souhaite vivement que ce 20 mai soit une occasion de réflexion profonde. Que chacun se pose des vraies questions, que chacun se demande si Dieu ne l’a pas créé et l’a gâté ! Où vous n’avez même plus peur de Dieu ? Personne ne partira avec quelque chose. On ne retiendra de chacun que ce qu’il a voulu qu’on retienne de lui. Que chacun revienne sur terre, prenne cons-ce que j’aurais été utile pour moi-même et pour mon pays ? Que tous les Camerounais se mettent autour de la table, pour penser ce pays, personne n’est plus camerounais que l’autre. Nous sommes tous les enfants de ce pays et nous nous devons de nous tenir par la main. Aucune tribu n’est au-dessus de l’autre, chacun a sa partition à jouer pour la construction de ce pays qui doit être au dessus de nos intérêts partisans. Pensez à demain et au pays que nous laisserons à nos enfants, car aucune situation n’est permanente dans ce monde.

Propos recueillis par
CHEF ABY

 
 
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