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Amos Traore | Africain.info | jeudi 3 janvier 2019
Le mercredi 26 décembre 2018, une équipe de la brigade territoriale de Gendarmerie de Toéni, commune situé dans la région de la Boucle du Mouhoun a été prise dans une embuscade. Le bilan fut très lourd du côté des forces de l’ordre, 10 gendarmes sont morts dans l’embuscade et 3 autres ont été blessés. La Jama’at Nusrat al-Islam Wal Muslimeen (JNIM) branche d’Al-Qaida a revendiqué l’attaque. Cette énième attaque contre les forces de l’ordre annonce des lendemains difficile pour le Burkina Faso.
L’attaque de Toéni a marqué psychologiquement les burkinabès. Au lendemain de la fête de Noël, il ont appris avec stupéfaction que 10 valeureux membres de leur force de défense et de sécurité ont péri dans une attaque terroriste dans la province du Sourou. La patrouille de gendarmerie se rendait à une mission de ratissage, suite à l’incendie d’une école par des individus non identifiés, dans une localité située à quelques kilomètres de Toéni. Tout porte à croire que les forces de sécurité ont été victimes d’un guet-apens. Cette attaque terroriste a fait réagir les premières autorités du pays et le président Roch Marc Christian Kaboré a convoqué un conseil extraordinaire des ministres le lundi 31 décembre. Lors de ce conseil extraordinaire, le chef d’Etat burkinabè a décidé de décréter l’état d’urgence dans plusieurs régions du pays dont la région des Hauts-bassins, de la boucle du Mouhoun, du Centre-Est, du Sahel, des Cascades, de l’Est du Nord. Ces zones ont été classées comme zones sensibles par les premières autorités et attirent l’attention des principaux chefs militaires. Lors de ses vœux de nouvel An, Roch Marc Christian Kaboré a appelé les burkinabé à fêter avec retenue et avoir une pensée pieuse pour les soldats qui sont tombés les armes à la main.
Le Burkina est clairement à la croisée des chemins. Malheureusement, les autorités du pays considèrent le problème sécuritaire sur un seul angle. Au plus haut sommet de l’État, on préconise d’augmenter le budget de la défense et de doter les forces de défense de moyens conséquents et adéquats. Oui cela est une démarche salutaire, mais il faut aller au-delà, le Burkina doit opérer un changement radical dans plusieurs domaines pour espérer endiguer la menace terroriste. Il ne suffit pas d’avoir les matériels de guerre les plus sophistiqués pour mener la lutte harassante contre le terrorisme. Malheureusement, les dirigeants burkinabés ne l’ont pas encore compris. La corruption, la mauvaise gouvernance, la gabegie, l’intolérance, les inégalités sociales qui s’accroissent de jour en jour sont de nombreux facteurs qui font le lit du terrorisme. Les scandales de corruption, de népotisme au plus haut sommet de l’Etat, la politisation de l’armée burkinabé font que de nombreux citoyens burkinabé n’ont plus foi en leurs dirigeants.
L’Etat burkinabé sait-il combien de personnes sont en phase de radicalisation ? combien, désespérées par leurs conditions de vie, rongées par diverses frustrations, sont prêtes à s’engager avec les cellules terroristes ? Le constat est terrifiant et fait froid dans le dos. Le terrorisme est comme une hydre à deux têtes, vous en coupez une, il en repousse plusieurs. Pour ne pas s’engager dans une bataille sans fin dont l’issue est incertaine, il faut que le président Kaboré prenne ses responsabilités et fait un grand nettoyage. Il doit impérativement envoyer un message fort à ses concitoyens et leur montrer qu’il est prêt à mettre fin à toutes les pratiques malsaines qui ont la peau dure au pays des hommes intègres depuis plusieurs années maintenant et qui ont semé les graines de la colère et de la haine dans de nombreux cœurs. Le terrorisme est désormais un moyen de révolte et toute personne peut basculer du côté des ténèbres à chaque instant. Il faut un nouveau cap, une nouvelle politique sociale et économique, une justice au service du peuple et surtout des dirigeants vertueux, compétents, honnêtes qui sont prêts à se sacrifier pour le peuple. Si les populations sentent ce changement, ils suivront naturellement le mouvement et c’est un peuple soudé en phase avec ses premiers responsables qui ira en ordre de bataille contre l’insécurité. Au contraire, si les tares persistent et qu’il n’y a aucune volonté de changement, malgré l’État d’urgence, malgré les annonces de gonflement du budget de la défense, le Burkina va s’enliser dans une situation dangereuse, qui va s’avérer catastrophique tant sur le plan économique, politique et social.