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Vaccin contre la Covid-19 : A quand l’Afrique ?

Par Zachée Betche | Africain.info | mercredi 27 janvier 2021
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A la différence des premières intentions qui ont fait l’unanimité sur la distribution équitable ou plutôt « charitable » des antidotes au Coronavirus à travers l’espace monde, les débuts des séances de vaccination à travers la planète convoquent des réflexions. De toute évidence, tout ne semble pas se passer comme prévu. Comment donc ? Alors que des institutions internationales s’apitoient comme d’habitude sur le sort de l’Afrique quant à sa possibilité réelle à pouvoir accéder aux premiers vaccins, alors que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Union africaine (UA) dénoncent ostensiblement une distribution à la faveur des pays les plus nantis, l’indignation des Africains ordinaires, s’il en existe, serait invisible des radars.
A contrario, une quiétude ou peut-être une insouciance questionnante semble dominer l’esprit dans les rues comme dans les chaumières du continent. Fait rare en Afrique, même les Etats sont entrés dans un mutisme assourdissant ne sachant exactement quoi faire. Le discours, autour du vaccin, à adresser aux populations tarde à être prononcé. Aussi, une réponse sociétale globale y relative paraît brouillée. Peut-être n’y a-t-il quasiment rien à dire tant la complexité de la situation impose, au premier abord, de telles réactions.

Vaccinations ou « hallucinations »

L’Afrique cristallise une histoire de la médecine qui n’a de cesse de proposer des pistes d’investigations cruciales. En effet, en marge des pratiques traditionnelles aux posologies souvent peu élaborées, il existe quelque constatation. Car, dans les contextes colonial et postcolonial, la pratique médicinale des missionnaires chrétiens dévoués ou celle d’humanistes éprouvés, il doit certainement y avoir bien d’autres. Certaines sont à la solde de projets obscurs.

Avec le temps qui passe, l’appréhension à l’égard du vaccin, en général, est une réalité pleinement vécue dans de nombreux pays africains. Au Sud du Sahara, en particulier, l’on est pleinement inscrit dans l’ère du soupçon, moment second apte aux questionnements les plus divers. Toute la galaxie d’incompréhensions autour de l’avènement de la Covid-19, sa planétarisation subite, sa médiatisation pas toujours bien interprétée, etc. interrogent pertinemment. Mais c’est sans doute la célérité avec laquelle l’antidote, sous le mode du vaccin, qui charrie davantage de méfiances au risque même de les figer dans des radicalisations sévères. En règle générale, et ceci du point de vue anthropologique, la symbolique de la piqûre paraît bien plus significative que celle des solutions comprimées. Le sentiment d’impuissance, ici, consiste à s’abandonner à une sorte de passivité pour recevoir à vif, dans sa chair consentante, cet instrument extrêmement pointu. Son acceptation dénote a priori d’une conscience ou d’un impérieux désir de guérir. Ceci n’a rien d’anodin. De nombreux sujets humains en ressentent au moins le frémissement, celui qui précède l’acte.

En Afrique, autant la vaccination contre divers maux a laissé des souvenirs d’abord enthousiastes, autant des populations entières découvrent sur le tard des ratés conscients ou inconscients inhérents à ses manœuvres. La peur et la colère enflent sans cesse ces dernières décennies suite à des révélations fracassantes mettant même en doute la confiance entre citoyens et services compétents de l’Etat. La difficulté de pouvoir distinguer puis séparer le bon grain de l’ivraie paraît intacte. A la vérité, certains milieux scientifiques (ou pharmaceutiques) soutenus par des multinationales ou des forces obscures paraissent sans vergogne. Leur opérationnalisme synonyme de mercantilisme et/ou de mesquinerie à des buts politico-économiques inavoués libère une telle culture de soupçon.

Ce détour critique n’en vaut-il pas la peine ? L’histoire c’est aussi un creuset de grandes découvertes – hors révisionnisme - qui doivent s’ouvrir à des regards critiques. Car la vérité est profondément tributaire de conjectures et/ou de réfutations. Dans le cas de l’Afrique du Sud, le rapport « Vérité et réconciliation », entre ses dires et ses non-dits, ramène à des situations insupportables. En effet, des expérimentations médicinales commises sous le règne de l’Apartheid sont encore fraîches dans les esprits. Hormis la littérature il existe bien, au gré du développement incessant des réseaux sociaux, une généralisation de la culture de l’écran qui autorise l’accès à toutes sortes d’informations. Dans ces dernières, il en existe, bien entendu, des plus fantaisistes et des plus approximatives. Mais l’extrême prudence doit nécessairement traquer ce que nombre d’entrepreneurs insignifiants de l’inhumanité glaciale cachent au monde.

Scénarisations ou vérité en danger

Aujourd’hui, à force de plonger son regard dans le four médiatique par moment quasi-assourdissant, l’on s’aperçoit que les débats, surtout autour de cette hallucinante maladie qu’est le Coronavirus, penchent en faveur d’un discours dit « officiel ». C’est comme si tout est mis en œuvre pour rendre le vaccin totalement et universellement irréversible. L’hypermédiatisation doublée d’une scénarisation autour de la vaccination de certains figures d’envergue, notamment les hauts dignitaires politiques des pays clés, participe à entretenir un scepticisme abyssal. Il se propage des vagues de pressentiments négatifs. Contrairement aux attentes de ceux qui songent ainsi miser à leur manière sur l’exemplarité, d’autres lectures font leur chemin de crêtes. C’est bien le cas de celles qui y voient des montages savamment huilés, voire grotesques. Face à la Covid-19 , en général, toute parole du politique semble se confondre avec l’irruption d’un mensonge démentiel. Une sorte d’incrédulité se déploie et réclame davantage d’authenticité. Ce qui provoque évidemment de nombreuses frustrations.

Assurément, la senteur géopolitique des solutions concentre encore plus de frustrations que d’incompréhensions. A observer une certaine gesticulation des pays « producteurs » de vaccins, toute situation paraît offrir l’occasion de se profiler, de prononcer son discours et de le faire résonner le plus fort possible. L’on assiste aussi, selon toute vraisemblance, à une réapparition d’une sorte de guerre froide qui peine à masquer son visage. Entre la Russie, la Chine et les pays occidentaux pris dans la subtilité de leur diversité, une guerre de tranchées sur fond de concurrence épistémologique et de chauvinisme paraît ouverte. La thèse d’une pluralisation de procédés, même en contexte d’urgence sanitaire, n’est plus à démontrer. La Weltanschauung d’abord, le reste ensuite. Entre valorisation des mesures barrières, diversifications de vaccins, il en résulte un antagonisme dont le reste du monde est passé pour observateur dorénavant averti.

En Afrique, la vaccination est devenue un projet dubitatif. En réalité, les motivations se concentrent sur les notions pragmatiques d’urgence et de nécessité même si l’action paraît moribonde ou plutôt peu médiatisée. Faut-il revenir sur tout ce qui s’y fait pour juguler au quotidien cette Covid-19 et dont la planétarisation rencontre des difficultés ? L’agenda subsaharien est différent et se concentre tant bien que mal, consciemment ou inconsciemment, sur ses défis réels. Finalement, qu’en est-il, à titre d’exemple, du vaccin contre le paludisme si dévastateur ? Evidemment, il n’en existe pas. Du moins pas encore, espère-t-on, sous les tropiques. Depuis de nombreuses décennies ou des siècles, la malaria continue de charrier des victimes sur le continent noir. Pendant ce temps, des perspectives plus ou moins confortables en vue de son éradication piétinent lourdement. Evidemment, il ne s’agit pas d’un virus. Mais peut-être qu’une solution aurait même pu être techniquement plus plausible que celle relative à la pandémie qui ne porte qu’imparfaitement son nom. Les Africains devront eux-mêmes s’y pencher, pour leur vie ou pour leur mort. Car, somme toute, la charité bien ordonnée ne commence que par soi-même. D’ailleurs, au nom de quoi certains pays nantis devraient-ils privilégier les autres au détriment des leurs ? En Occident comme dans les autres pays d’Europe, les gouvernements subissent la colère quotidienne de leurs peuples par rapport au nombre de vaccins disponibles. Les spécialistes débattent sur la durée de l’espacement des doses à prendre. A chacun ses préoccupations immédiates.

La question du sujet prioritaire

L’irruption de l’histoire soudaine du Coronavirus, un peu partout dans le monde, nous a plongés au cœur d’une série de doutes qui provoquent encore davantage que l’idée d’une scénarisation de l’acceptation du vaccin. La sérénité est de toutes parts attaquée parce que certaines pratiques oscillent entre bon sens et inquiétudes. Comment faire pour bien faire ? Dans tous les segments de lutte, apparaissent des problèmes.

En effet, la polarisation des intérêts comme constante dans l’univers humain éveille aussi, curieusement, une réflexion au-delà des frontières géographiques. En Occident, l’orientation qui semble s’imposer alerte sur cette frontiérisation générationnelle. Le choix socio-politique des sujets-prêts-pour-la-mort, autrement dit des individus plus âgés vivant ou non dans des habitations de retraite, cristallise de nombreuses suspicions. Comment explique-t-on que ces derniers soient privilégiés dans le cadre des campagnes de vaccination ? Et même si le personnel médical est aussi, par endroits, évoqué comme sujet prioritaire, il n’en demeure pas moins qu’une telle situation paraisse polémique et puisse laisser perplexe.

Bien évidemment, sans verser dans n’importe quelle forme d’eugénisme qui serait éthiquement insupportable, il convient de jeter un regard sur sa pyramide des âges. L’importance de son sommet ne saurait occulter la délicate question du sujet prioritaire. Certes, l’argument qui retentit à tout bout de champ est celui de la fragilité anthropologique. Mais l’on ne saurait se priver d’aller un peu plus loin dans la réflexion tant la notion de fragilité appartient à un lexique beaucoup plus vaste et varié. Sur tous les plans, l’impression d’une dispersion ou d’une absence de concertation prédomine.

En matière de vaccination, l’Afrique sub-saharienne fonctionne en dehors de ces différents schémas proposés dans bien de pays. Certaines prédictions vont jusqu’à redouter une crise spatio-temporelle : l’impossibilité d’emprunter les moyens de transport de longues distances et par ricochet une limitation de la mobilité des peuples dans une périodisation rigide et considérable. On entre dans un monde radicalement autre. Somme toute, des doutes subsisteront encore car, autant de nombreuses incohérences sur cette praxis médicinale n’auront pas disparu, autant les implications de tous ordres mousseront. Par rapport à son contexte et ses moyens, une assez grande partie du continent africain pourra continuer d’observer que l’universalisation de la vaccination est davantage un projet balbutiant qu’une entreprise rigoureusement rassurante. Hors continent, ce n’est pas pour l’instant l’émanation d’une maxime à proprement parler transcendante.

Zachée Betche

 

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